Un article de L’Express datant de 1967 sur Johnny Hallyday

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1967 – Johnny vit en plaqué or

A 24 ans, le jeune chanteur mène une existence aussi frénétique qu’insouciante, enchaînant concerts et émissions, fêté partout, grisé de succès.

Dans L’Express du 13 mars 1967 

« J’avais préparé un cassoulet », dit Sylvie. Il est 11 heures du soir, dans les studios d’Europe N°1. « Allez, quoi, venez dîner avec nous ! dit Hubert. On sera tranquilles, il y aura Salvatore (Adamo), Richard (Anthony), Dutronc (Jacques). » Johnny hésite, consulte Sylvie, d’un coup de menton. Ils sont beaux, bronzés, fatigués. Ce n’est pas encore cette nuit qu’ils dégusteront en tête à tête le cassoulet conjugal.

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Mercredi, ce sera leur rentrée commune à l’Olympia, où Johnny se produira pour la septième fois. La célébration publique de leur mariage guéri.  

« Je voudrais bien les décevoir, dit Johnny.  

– Comment ?  

– En leur prouvant encore une fois que je ne suis pas mort ! » 

Il rit, à grandes dents saines de fauve heureux, il donne à sa femme toute dorée des petites bourrades tendres, croque au vol sur sa bouche des baisers voraces.  

Ils sont jeunes, célèbres, irritants. Ils crient dans des micros des platitudes magnifiées par les sonos. Ils gagnent en un soir plus qu’un agrégé en un an, etc. Refrain connu. « On vit à l’envers », dit Johnny Hallyday. Oui, une drôle de vie dans un château de verre, une drôle de vie en plaqué or. 

Ils sont rentrés d’Amérique du Sud le 26 février. Depuis, voici : sept heures de répétition par jour, trois interviews et deux émissions de radio quotidiennes. La nuit du premier tour, télévision, une demi-heure à Europe N°1, une demi-heure à France-Inter, une demi-heure à Radio-Luxembourg : il ne faut se fâcher avec personne. Pendant huit jours, Johnny, conservant ce rythme, a pris, de surcroît, l’avion pour Londres chaque soir à 19 heures. Enregistrement jusqu’à 2 heures du matin. Avion de nuit pour Paris. Lendemain qui chante identique à la veille.  

Soldats de plomb

Alors, c’est vrai, Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, les autres ne trouvent pas le temps de grandir, de mûrir, de vieillir.  

Oui, Johnny est un enfant de 24 ans. Bien qu’il ait assaini son entourage, il s’entiche encore de secrétaires fantômes, parasites qui s’agglutinent à lui, que l’on découvre un jour en coulisses avec une serviette et un verre d’eau, qui jouent quelque temps avec lui aux soldats de plomb, ou à la guerre de Sécession, ou à jeter des boîtes d’allumettes dans les feux de bois, et qui disparaissent pour céder la place à un autre « secrétaire ».  

Oui, Johnny ne connaît pas la valeur de l’argent. Pour le préserver, on ne lui donne plus que des chéquiers vides. Dernièrement, il devait louer un nouvel appartement pour Sylvie et lui. Neuilly lui rappelait de sombres souvenirs. Il y avait fait des travaux, payé d’avance les 3000 Francs de location mensuelle. Il y a vécu sept jours. Coût de l’opération : 70 000 Francs.  

Oui, Johnny est inconscient. Il est arrivé l’autre matin, à un rendez-vous, bardé de cuir noir, une croix gammée sur la poitrine, à moto. « Toi, hier, tu as vu Les Anges sauvages« , lui a dit un ami. C’était vrai. 

Mais de tout cela, est-il seul responsable ? Jean Pons, son nouveau manager, raconte les derniers mois de Johnny Hallyday.  

Catalepsie

Tournée en Amérique du Sud, trois semaines sans dormir. 25 000 spectateurs au stade de Rosario (Argentine). A Alger, 500 femmes voilées en catalepsie. Au Sénégal, 5000 Dakariens entonnant en choeur Noir, c’est noir, croyant sans doute découvrir un nouvel hymne à la négritude. A Téhéran…  

Jean Pons reçoit, une nuit, un appel lointain. « Je suis le premier secrétaire du prince d’Iran. » Il croit à une blague. « Johnny peut-il venir chanter un soir à la cour ? » Oui. Quinze billets d’avion sont envoyés (5000 Francs pièce), plus le cachet de l’idole, payé d’avance : 25 000 Francs. Plus de quoi régler 1,8 tonne d’excédents de bagages. Réception au Palais d’Eté de marbre gris, bassines de caviar blanc, bonbonnes de vodka. Johnny chante dix chansons devant vingt-cinq invités privilégiés. Le Shah, paraît-il, a les larmes aux yeux. On couvre Johnny et Sylvie de tapis précieux, de fleurs rares… 

Au Palais des Sports de Toulouse, à la fin du tour de Johnny, « j’ai vu, dit Jean Pons, des fans hystériques marcher sur la tête d’autres spectateurs pour parvenir jusqu’à la scène, où des gorilles les réceptionnaient et les catapultaient dans la salle, par les pieds, bras en avant, comme des plongeurs fous. » A Bâle, 2000 Suisses effrénés ont mis à sac une admirable salle de concert du XVIIIe siècle.  

A Bordeaux, enfin, dernière étape de la tournée d’hiver, tout cela fut dépassé. Le public, déjà, vibrait. Pas assez. Au milieu d’une chanson, Johnny se met à tousser, la salle frissonne. Il s’interrompt, reprend, la salle applaudit. Il porte les mains à sa tête, s’arrête, les musiciens lâchent leurs instruments, inquiets. La salle frémit. Et Johnny, soudain, s’écroule sans un cri. Le rideau se ferme, s’entrouvre sur le grand corps étendu, la salle se pâme. Le rideau s’ouvre à nouveau. Johnny, tel Lazare adolescent, se relève, rugit, empoigne le micro et reprend son rock où il l’avait laissé. C’est le délire. Chaque épisode de ce « drame » avait été prémédité, et même répété. 

A Douala, enfin, conclut Jean Pons, avec une fierté qu’il s’efforce pudiquement de dissimuler, « nous avons eu un mort ».  

Le goût amer

Grotesque ? Indécent ? Peut-être. Mais, comme dit Maurice Biraud, « faut l’faire ! ».  

Johnny Hallyday partira en tournée le 4 juin, jusqu’au 15 septembre. Il conduira lui-même pendant des nuits et des jours son Aston-Martin, de La Bourboule à Trouville et d’Arcachon à Carpentras. Dans ses valises, trois cents chemises. Il en sacrifie une tous les soirs, religieusement trempée de sa sueur, sur l’autel de ses fans. Il ne s’interrompra qu’un seul jour, le 14 août, pour aller célébrer le premier anniversaire de son fils David. Le seul bien qu’il ait décidé de soustraire au typhon de sa gloire. Il touchera 15000 Francs tous les soirs, soit près de 120 millions anciens en un été. Plus qu’un agrégé en quarante ans. Etc. Refrain connu. Oui, mais…  

Mais un agrégé peut atteindre au bout de la route une retraite sereine. Pour les vedettes, la retraite est toujours anticipée. Elle a toujours le goût amer de l’échec. Quand ce n’est pas celui du suicide. Sous toutes ses formes. 

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1 comment

  1. merci pour ce merveilleux souvenir cela prouve que johnny est toujours et sera pour toujours le plus grand parmi les grands

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