Johnny Hallyday : interview à Gstaad par Le Matin

Maison Johnny Hallyday Gstaad

Maison Johnny Hallyday GstaadEn vacances à Gstaad, Johnny Hallyday a été interviewé par le quotidien suisse Le Matin le 15 janvier 2012.

Voici l’interview dans son intégralité.

Alors que la nuit tombe sur Gstaad, après une journée plein soleil, Johnny Hallyday, 68 ans, sort de sa séance de gym quotidienne. Nous sommes au Grand Hotel Park, il est 18 h 30. Chemise trappeur à carreaux, T-shirt noir à tête de mort, pantalon assorti, baskets crème, Johnny nous attend pour un entretien d’une heure dans un salon. Poignée de main tonique, et d’une voix douce et claire, il se livre à l’orée d’une année charnière. Cette année, il signe son grand retour sur scène.

Johnny, l’ambiance à Gstaad est propice aux retrouvailles. Qui est venu au chalet?

Cette année j’ai la chance d’avoir tous mes enfants (sourire). David, Laura, Nathalie (ndlr Baye, sa mère), la femme de mon fils, sa belle famille, les Pastor. Roman Polanski dont je suis très proche et les Savoie, ils m’ont trouvé mon chalet, proche du leur. Je suis ami avec leur fils.

Avec David ce sont des retrouvailles?

J’ai lu des choses insensées dans les journaux, que nous étions fâchés, je ne sais pourquoi! Non, David a son travail, en ce moment il écrit une comédie musicale. Pendant longtemps, il me disait de venir vivre aux Etats-Unis où il habitait. J’étais à Paris. Lorsque j’ai commencé à vivre à Los Angeles une partie de l’année, c’est lui qui est revenu en France. Alors on se retrouve chez moi, à Gstaad.

Quel rapport avez-vous avec vos deux plus grands enfants. Johnny est un papa copain?

Avec David c’est une relation petit frère-grand frère. Je l’ai eu très jeune, j’avais 22 ans. Je n’étais pas assez mûr pour avoir avec lui une relation père-fils (ndlr: le 14 août 1966, johnny était en tournée). Avec ma fille, Laura, j’étais plus paternel et aujourd’hui plus encore avec Jade et Joy. je crois que c’est bien d’avoir des enfants à partir de 40 ans. À 20 ans, on est encore un ado.

Jade et Joy ont grandi.

Lorsque Jade est venue la première fois à Gstaad, elle n’avait que 3 mois et demi. Je suis très fier d’elle, parce qu’elle a descendu sa première piste noire aujourd’hui, avec Laeticia. Et Joy que j’avais été chercher à Hanoï pendant les Fêtes de Noël en 2008 lorsque je tournais «Vengeance» à Hongkong s’y met aussi. Elle a déjà 3 ans. Ça passe vite…

Laeticia est un stabilisateur.

C’est difficile de dire ce que je ressens pour Laeticia. J’ai eu pas mal de femmes dans ma vie. Et de toutes celles avec lesquelles j’ai vécu, la séparation a toujours été envisageable. Avec elle, cela me paraît aussi improbable que le divorce entre une mère et son fils. C’est vraiment la première fois que je dis qu’une femme fait totalement partie de ma vie, de ma famille. ce n’est peut-être pas très gentil pour les autres, mais notre relation était différente. Avec Laeticia, des fois ça va, des fois ça ne va pas, mais une séparation pour moi est quelque chose d’impossible.

C’est la femme de votre vie et celle qui vous a sauvé la vie.

Justement. Je serai peut-être mort aujourd’hui si elle n’avait pas été là. Elle m’a sauvé la vie, c’est vrai. En décembre 2009, à Los Angeles, après mon opération, je n’étais pas dans mon état normal. Je souffrais tellement que je me tapais la tête contre les murs. C’est elle qui a pris les décisions. Elle m’a mis de force dans la voiture, a grillé tous les feux pour m’amener aux urgences. On lui a soumis une liste de dix médecins et elle a dû choisir. On lui a dit il faut l’opérer maintenant sinon il va mourir. Il faut un courage formidable pour décider dans ces cas-là. Dire ce sera ce médecin et pas un autre. Imaginons que je ne m’en sois pas sorti. Vous vous rendez compte de la responsabilité que c’est pour quelqu’un: porter ça toute sa vie…

Et vous êtes là, en forme.

La seule chose qui est vraie, c’est que je suis là aujourd’hui. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas. Beaucoup de gens parlent et ne font rien, elle n’a pas parlé et elle a fait ce qu’il fallait faire.

Qu’avez vous reçu à Noël?

Des bagues tête de mort de ma femme, un iPad, ce bracelet argent que Laura a fait faire. Chaque maillon est travaillé en relief (ndlr: comme de l’écaille de serpent). Yarol Poupaud (ndlr: son guitariste) m’a offert une platine doublée en peau de serpent avec des vinyles d’Elvis, de Ray Charles et des 45 tours de moi. Ça m’a fait rire!

Madonna était aussi à Gstaad cette année. Vous l’avez croisée?

Elle était chez Valentino, le couturier. Il a téléphoné à la famille de Savoie pour dire qu’elle aurait aimé me rencontrer. Le soir du Réveillon, on a appelé à 1h du matin et elle était déjà partie se coucher.

Elle est plus sage que vous. Que faites-vous ici au Grand Hotel Park?

Je m’entraîne tous les jours. Je fais pas mal de vélo, beaucoup de cardio pour le souffle et de la musculation. Les abdos sont très important pour la voix. Il faut chanter d’ici (ndlr il met sa main sur le ventre), du diaphragme et du bide et pas d’ici (il désigne sa gorge). J’ai appris ça avec le temps. Quand des mômes me demandent des conseils la première chose que je dis c’est de chanter avec le ventre. Si on se met à chanter fort avec la gorge, après quatre titres, on est aphone.

Vous n’arrêtez jamais. Il y a la tournée, un album, un projet de film, une nouvelle pièce de théâtre. Vous ajoutez de la vie à la vie?

Pour moi, demain est important. J’ai des enfants en bas âge. Quand on ne pense pas à demain, on part à la retraite. Ça n’existe pas, en tout cas, dans le métier que je fais. Pour moi, la retraite c’est le début de la fin. J’aime trop la vie pour ça. J’ai besoin de projets, d’avancer, que mes petites filles soient fières de leur papa. C’est très important pour moi. La première fois que j’ai emmené Jade à la télé, c’était à «Star Academy». Elle me regardait sur scène et dans l’écran de contrôle et me disait: «Comment ça se fait que tu sois ici et dans la boîte-là?» (sourire). Et puis, j’aime le métier que je fais. Je ne sais rien faire d’autre.

Vous repartez à Los Angeles?

Je vais d’abord à Londres. J’ai rendez-vous fin janvier avec la styliste Sarah Burton de chez Alexander Mc Queen. Elle va créer mes costumes de scène (ndlr: elle a dessiné la robe de mariage de Kate Middleton). J’y vais pour lui donner mes idées. Elle va me montrer des tissus. Je veux quelque chose de bad boy chic. Après, je pars au Canada, je serai le parrain de la première «Star Ac» et ensuite les répétitions commencent à Los Angeles. Mon album, prévu pour le mois d’octobre, je l’enregistre sur mon temps libre.

Ce show sera-t-il plus physique que le précédent?

Oui. Notamment à cause des effets spéciaux. Je serai sur scène dans une boule d’acier qui renverse des murs. Pour ne pas interrompre mes entraînements en tournée, on aura un semi-remorque avec du matériel de musculation

Lorsque vous parlez on n’entend plus du tout les sifflantes du fumeur…

Je peux faire une demi-heure à trois quarts d’heure de cardio sans être essoufflé. Arrêter de fumer me fait du bien aussi pour la peau. Le matin devant la glace, qu’est-ce que vous vous dites?

«T’as une sale gueule ce matin!» (rire sonore). Je mange beaucoup de protéines. Je fais bien plus attention que ce que les gens imaginent.

Gstaad c’est aussi du travail. Yarol Poupaud vous y a rejoint.

Yarol est mon guitariste et il s’occupe de la rythmique du groupe. Il était leader de FFF qui avait la première partie de mon premier Stade de France en 1998. Yvan Cassar, lui, dirigera l’orchestre symphonique de 80 musiciens. Dans chaque ville, on changera. A Genève ce sera l’Orchestre de la Suisse romande, à Londres le Royal Philarmonic…

On a découvert Yarol Poupaud à vos côtés, à la tour Eiffel. Vous étiez comme le chanteur d’un groupe très rock.

J’ai toujours été le chanteur du groupe (sourire amusé). Dans les stades, on est obligé d’élargir son répertoire par rapport aux effets spéciaux et au public, plus large. Pour un concert de rock comme celui-là, ou par exemple à La Cigale, en 1994, on joue devant un public plus averti. J’adore chanter pour 800 ou mille personnes.

Quelle a été l’étincelle rock, celle qui a changé votre vie?

Le film «Amour frénétique» avec Elvis Presley, «Loving You» en anglais. C’était dans un cinéma de quartier, Le Marcadet, place de Clichy. J’avais 14 ans. L’affiche et les photos montraient des gens habillés en cow-boys. Je me suis dit, c’est un western. Au bout d’un moment, j’ai pensé: «Merde. Je me suis trompé, c’est un film de chanteur!» J’entendais des filles crier dans la salle. Je me suis ravisé. J’y suis retrouné trois jours plus tard et le virus du rock’n’roll m’a pris. Je chantais du Brassens à l’époque, ça n’avait rien à voir.

Charles Aznavour a joué un rôle important, lui aussi

Il a toujours été comme un père adoptif pour moi. À mes débuts, il m’hébergeait chez lui, dans son domaine, à Monfort L’Amaury. J’ai eu ma place à table, à sa droite, pendant 2 ans. Il m’a offert un cheval que j’ai appelé «Rock». Charles a écrit les plus belles chansons de mes débuts, dont «Retiens la nuit» (1961).

Votre apprentissage musical passe par Genève avec des cours de guitare classique à 11 ans, avec José de Azpiazu.

J’ai été élevé, en tournée, par Desta et Lee Halliday (ndlr Lee Lemoine Ketchman, alias Lee Halliday et Desta, la fille de la tante de Johnny). Ils étaient danseurs et avaient un contrat de deux ans à Genève dans un cabaret, le Bataclan. Ils ont décidé de me mettre au conservatoire. Nous vivions place Longemalle, à l’hôtel de la Cigogne.

Plus tard, vous croisez Jimi Hendrix à Londres.

J’enregistrais beaucoup à Londres à une époque. Otis Redding était venu de Los Angeles superviser les cuivres. C’était en 1966 avec «Je t’attendrai jusqu’à minuit», «Aussi dur que le bois», l’adaptation de «Knock on Wood». Après la session, je suis allé dîner dans une boîte, le Whisky à gogo. Un type jouait sur scène. Je l’ai trouvé formidable, c’était Hendrix. A mes côtés il y avait le bassiste des Animals, Bryan Chandler, son manager. Je les ai invités. À table, j’ai dit à Jimi, je pars en tournée je n’ai pas de première partie est-ce que ça t’intéresse. Il m’a dit oui. On a passé six mois ensemble, on est devenus copains. Il dormait chez moi à Paris et moi chez lui à Londres. Il chantait «Hey Joe» sur scène et ne l’avait pas encore enregistré. C’est lui qui m’a proposé de l’adapter en français. Après il est parti aux Etats-Unis, il est tombé dans la drogue, et ça a été le début de sa fin.

Vous en avez connu des excès: qu’est-ce qui vous a permis de ne jamais sombrer?

La volonté. J’ai essayé toutes les drogues (ndlr: en 1998, il révélait dans « Le Monde » avoir longtemps pris de la cocaïne. Je sais de quoi je parle. À Londres, dans les années 70, ça circulait librement. Mais je n’ai jamais été accro. Je ne comprends pas cette notion. Si je dois arrêter quelque chose pour mon métier, ou parce que ça fait de la peine à ma famille, je le fais de suite. Je suis plus fort que ça. Je ne suis accro à rien ou alors à mon métier. J’aime le public, ma vie est de faire des choses sur une scène ou devant une caméra. La scène apporte du rêve, la drogue du désespoir. C’est de la merde!

Votre ancien associé, Claude Bouillon, qui tenait le restaurant le Balzac, à Paris, disait que tant qu’il était avec vous, il ne risquait rien. Une allusion à un voyage en avion où les deux réacteurs avaient pris feu. Vous êtes né sous une bonne étoile?

Il n’y avait qu’un seul réacteur en feu (sourire). J’ai failli mourir plusieurs fois en avion. Lors de mon premier voyage en Amérique, alors que je me rendais à Nashville depuis New York, où j’avais enregistré avec Quincy Jones, je suis arrivé trop tard, l’avion était déjà en bout de piste. On a entendu un «boum» et on a appris qu’il s’était écrasé, sans aucun survivant

Qu’espérez-vous en 2012?

Mon souhait? Avoir la santé pour continuer à faire ce que je fais. Depuis ce qui m’est arrivé il y a deux ans, je me dis: «Dieu est là. Tant qu’on a la santé, tout est possible!»

Source : www.lematin.ch

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1 comment

  1. je ne peux qu’ aimer cet interview ! je suis une fan inconditionnelle de Johnny depuis les années 60 !

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